Contrebande de gasoil libyen:
un négociant suisse navigue en eaux troubles
En Libye, un pays déchiré et exsangue depuis la chute du colonel Kadhafi, la contrebande de carburants enrichit des groupes criminels internationaux, qui ont des connexions jusqu’en Suisse. Public Eye et TRIAL International révèlent qu’entre 2014 et 2015, le négociant zougois Kolmar Group SA a fait affaire avec un puissant réseau dont les principaux acteurs sont aujourd’hui devant la justice italienne. Notre enquête au long cours, entre la Suisse, Malte et la Sicile.
Malgré plusieurs demandes, Kolmar Group SA n’a pas répondu aux questions posées par Public Eye et Trial International durant leur enquête. Elle a toutefois demandé un droit de réponse au présent rapport, publié ici.
Public Eye maintient sa présentation des faits.
Imaginez un gigantesque supermarché de la contrebande dans lequel des milices lourdement armées, appuyées par des groupes criminels transnationaux et des politiciens corrompus, viennent faire leurs emplettes. Vous avez le sinistre « rayon » de la traite des migrant·e·s, celui du commerce d’armes, de voitures ou de produits alimentaires. Beaucoup se pressent pour avoir leur part du gâteau dans l’un des secteurs les plus florissants : le trafic de carburants subventionnés – principalement du gasoil importé en Libye – siphonnés dans les raffineries locales.
Depuis la chute du colonel Mouammar Kadhafi en 2011, le pays n’a pas connu un instant de répit. Deux pouvoirs s’affrontent. À l’ouest, le gouvernement de Fayez al-Sarraj, basé à Tripoli, dit d’« union nationale » (GNA), est le seul organe exécutif reconnu par la communauté internationale. À l’est, à Benghazi, les forces du maréchal Khalifa Haftar contrôlent l’Armée nationale libyenne (ANL) et sont ouvertement soutenues par l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, la Russie et, en sous-main, par la France.
En avril 2019, Haftar a lancé une offensive vers Tripoli qui a fait voler en éclats le plan de paix signé fin 2015. Ses hommes occupent désormais le sud de la capitale, et ils se sont emparés de Syrte. Sous la pression de la Russie et de la Turquie, qui fournit ouvertement des armes au GNA, les deux parties ont accepté, le 12 janvier, une trêve qui est régulièrement violée. À ce jour, la guerre civile a fait 11 000 victimes et plus de 400 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays.
L’or noir : le nerf de la guerre
Le contrôle du secteur pétrolier est au cœur de cet affrontement fratricide. La Libye abrite en effet les premières réserves de pétrole en Afrique, avec une production de plus d’un million de barils par jour en 2019, contre 1,7 million de barils sous le règne de Kadhafi.
La NOC (National Oil Corporation), la compagnie pétrolière nationale libyenne, autrefois une seule entité, a connu de graves dissensions territoriales. Deux branches rivales s’opposent : soutenue par l’ONU et la communauté internationale, la NOC « occidentale », basée à Tripoli, est la seule institution habilitée à signer des contrats pour l’exportation du brut libyen. Elle détient par ailleurs le monopole sur l’importation et l’exportation de produits pétroliers. À l’est, la NOC « orientale », installée à Benghazi, la région où se situent 80 % des champs pétroliers, tente régulièrement d’exporter des volumes de brut sans l’accord de Tripoli, dans le but notamment de financer l’achat d’armes pour les troupes du maréchal Haftar.
En Libye, le contrôle du secteur pétrolier est au cœur d'un affrontement fratricide. Illustration: opak.cc.
En Libye, le contrôle du secteur pétrolier est au cœur d'un affrontement fratricide. Illustration: opak.cc.
Dès 2014, le Conseil de sécurité des Nations unies a mis toutes ses forces pour empêcher les ventes illégales de pétrole brut. La contrebande de produits pétroliers raffinés a quant à elle continué à fleurir. Depuis 2011, la Libye, qui a vu ses capacités de raffinage reculer fortement en raison du conflit, est contrainte d’importer chaque année du carburant. Entre 2013 et 2017, l’État a ainsi dépensé la somme colossale de 23,5 milliards de dollars pour ces achats. Afin de rendre leur prix abordable à la population, ils sont massivement subventionnés par la banque centrale, à hauteur de 30 milliards de dollars entre 2012 et 2017, selon la cour des comptes libyenne. Une manne pour les contrebandiers, qui font main basse sur une partie de ces produits très bon marché pour les revendre à l’extérieur du pays, en réalisant une marge confortable.
Ce trafic a des conséquences désastreuses pour la population. Chaque jour, d’immenses files d’attente se forment aux abords des stations-service. Dans les hôpitaux, le manque de mazout pour alimenter les générateurs entraîne, durant l’été, la mort de malades et de nouveau-nés faute de climatisation.
Le cas d’une famille asphyxiée par un poêle à charbon défectueux, en hiver, a fait les gros titres des journaux, alors que les coupures d’électricité sont incessantes.
Un « acheteur international » installé à Zoug
Nous sommes le 18 avril 2018. Ce jour-là, à Genève, s’ouvre dans un grand hôtel un sommet international consacré à la lutte contre le vol de pétrole et de carburants. À la tribune, un homme à la barbe finement taillée prend la parole. Il s’agit de Mustafa Sanalla, le président de la NOC de Tripoli. Depuis sa nomination en 2014, ce haut fonctionnaire libyen, peu coutumier de la langue de bois, ne rate jamais une occasion de dénoncer le fléau de la contrebande de carburants qui, selon lui, « saigne l’économie libyenne et prolonge le conflit armé ».
Mustafa Sanalla est en colère : « Je n’éprouve aucun plaisir à être ici, parmi vous, comme le représentant d’un pays où la contrebande de carburants est aussi répandue, et où les trafiquants peuvent devenir incroyablement riches au détriment des citoyens libyens ordinaires qui eux respectent la loi », lance-t-il devant un parterre d’experts en costume-cravate, égrenant des chiffres destinés à secouer les consciences. Entre 30 et 40 % des carburants produits sur place ou importés chaque année en Libye sont soit volés, soit revendus en contrebande dans les pays frontaliers ainsi qu’en Europe, estime-t-il. Ce qui représente, selon lui, un manque à gagner annuel de 750 millions de dollars dans les caisses de l’État.
« S’il n’y a pas d’acheteur international pour le carburant libyen, il ne peut pas y a avoir de contrebande. »
« Imaginez ce qui pourrait être fait pour améliorer la vie des citoyens libyens ordinaires avec une telle somme : des hôpitaux, des médicaments, des écoles, des logements », interpelle Sanalla. Il tient à souligner un point fondamental : « N’oubliez pas que s’il n’y a pas d’acheteur international pour le carburant libyen, il ne peut pas y a avoir de contrebande ».
Une enquête au long cours
Public Eye et TRIAL International ont enquêté pendant plus d’une année entre la Suisse, Malte et la Sicile. Nous avons découvert qu’une société helvétique a fait partie de ces « acheteurs internationaux ». Il s’agit de Kolmar Group SA, un négociant de combustibles et de biocarburants installé depuis 1997 à Zoug, où il a pignon sur rue (plus d’informations sur Kolmar).
Selon nos informations, Kolmar a reçu plus d’une vingtaine de cargaisons de gasoil en provenance de Libye, entre le printemps 2014 et l’été 2015, totalisant plus de 50 000 tonnes. La société s’est fournie auprès d’un réseau d’individus au profil douteux : Fahmi Ben Khalifa – alias « Fahmi Slim » – condamné pour trafic de drogue en Libye, et ses partenaires Darren et Gordon Debono, des hommes d’affaires maltais. Le carburant était livré dans des entrepôts pétroliers loués à Malte par la société suisse. Nous avons retrouvé la trace de paiements pour plus de 11 millions de dollars de Kolmar vers une petite société maltaise alors contrôlée par Darren Debono.
Dès mars 2016, le groupe d’experts de l’ONU sur la Libye a identifié Fahmi Ben Khalifa comme étant à la tête de l’un des cartels de contrebande de carburants les plus actifs en Libye. À l’automne 2017, la Guardia di Finanza de Catane, la police financière sicilienne, est parvenue à démanteler la totalité de ce réseau. Fahmi Ben Khalifa, Darren et Gordon Debono, ainsi que sept autres individus, sont poursuivis pour « conspiration transnationale en vue de blanchir du gasoil d’origine illicite et fraude ».
Leur procès, qui s’est ouvert à l’automne 2018, est toujours en cours à Syracuse, en Sicile. Le verdict devrait être connu en 2020. Les accusés encourent des peines allant jusqu’à vingt ans de prison. Kolmar n’a à ce jour pas été inquiétée, en dépit des éléments mis en lumière par les policiers siciliens.
L’enquête italienne est sans doute l’opération policière la plus ambitieuse menée en Méditerranée ces dernières années. Elle pourrait aisément servir de trame pour un nouveau James Bond…
L’opération « Dirty Oil »
En janvier 2015, dans le plus grand secret, la Guardia di Finanza de Catane, en Sicile, lance une vaste opération. Nom de code : « Dirty Oil ». Grâce à des écoutes téléphoniques et des filatures en haute mer, les policiers parviennent à identifier les présumés trafiquants de carburants libyens.
Comme le montrent des documents judiciaires que nous avons pu consulter, les grandes oreilles italiennes se sont d’abord intéressées à Fahmi Ben Khalifa, également impliqué dans la traite d’êtres humains. En faisant des recherches sur l’entourage du Libyen, les limiers italiens tombent sur une vieille gloire du football maltais, un certain Darren Debono. Officiellement, cet ancien joueur du club Valletta FC s’est reconverti dans le business de la pêche. Il a ouvert un restaurant de poisson très couru à La Valette, la capitale maltaise : le Scoglitti (aujourd’hui devenu le Porticello), recommandé à l’époque par tous les guides touristiques.
Fahmi Ben Khalifa: condamné pour trafic de drogue en Libye, à la tête de l’un des cartels de contrebande de carburants les plus actifs en Libye.
Les policiers découvrent que Darren Debono a acheté en Sicile des téléphones satellitaires ultrasophistiqués pour le compte de ses sociétés, une bizarrerie pour quelqu’un qui se présente comme un patron pêcheur. Il contrôle plusieurs structures, dont deux entités domiciliées à Malte :
Oceano Blu Trading Ltd et ADJ Trading Ltd. Il s’est associé au sein de cette dernière avec le Libyen Fahmi Ben Khalifa. Ses deux tankers pétroliers, le Basbosa Star et l’Amazigh F, naviguent régulièrement le long des côtes libyennes.
Darren Debono : vieille gloire du football maltais (au Valletta FC), officiellement reconverti dans le business de la pêche.
Dans la foulée, un autre Maltais est identifié : Gordon Debono, simple homonyme du footballeur, un businessman qui roule en Ferrari, se targuant de posséder un modèle de toutes les couleurs possibles. Sa petite société de trading, Petroplus Ltd, affrète deux navires, le Ruta et le Selay, qui mettent aussi régulièrement le cap sur la Libye. Le trio a des complices en Sicile.
Gordon Debono : un businessman qui roule en Ferrari. Il se targue de posséder un modèle de toutes les couleurs possibles !
Une machine bien huilée
Les enquêteurs italiens ont décrit le modus operandi de ce réseau, qui prenait sa source à Zawiya, une ville côtière située à 45 km à l’ouest de Tripoli, où se trouve la principale raffinerie du pays, exploitée par une filiale de la NOC. Fahmi Ben Khalifa, surnommé « le roi de Zawiya », y a trouvé un bon filon. Il agit de concert avec la brigade Shuhada al Nasr, censée protéger l’installation, mais qui touche un pourcentage sur les opérations de contrebande. Ce groupe armé fait régner la terreur, s’adonnant aussi au trafic d’êtres humains.
La raffinerie de Zawiya. © Google Earth
La raffinerie de Zawiya. © Google Earth
Le carburant, importé d’Europe et subventionné pour les besoins de la population locale, est siphonné dans les cuves de la raffinerie, puis acheminé par camions jusqu’aux ports de Zouara et d’Abu Kammash, où Fahmi Ben Khalifa a construit un terminal pétrolier de fortune. De petites embarcations de pêcheurs chargées de ces produits prennent ensuite la mer, puis déchargent leur cargaison dans les tankers de Darren et Gordon Debono, qui attendent le long des côtes libyennes. Ces navires voguent ensuite au large de Malte ou en Sicile, certains déversant à leur tour leur cargaison dans des tankers pétroliers plus importants. La Guardia di Finanza a filmé et diffusé sur son compte Twitter certains de ces transferts ship-to-ship (de bateau à bateau).
#Catania. #Riciclaggio di gasolio illecitamente prelevato e destinato ad essere immesso in consumo come carburante: 9 soggetti #arrestati pic.twitter.com/FExFS0JV2r
— Guardia di Finanza (@GDF) October 18, 2017
En mars 2016, les experts onusiens sur la Libye ont estimé que le trafic de carburant était l’une des premières sources de financement des groupes armés, à côté de la traite d’êtres humains et du trafic d’armes, employant environ 500 personnes à travers une vingtaine de réseaux.
Illustration: opak.cc
Illustration: opak.cc
Du carburant sale à la pompe
En pistant les navires des Debono, entre juin 2015 et juin 2016, les enquêteurs italiens ont pu établir qu’une société basée à Augusta en Sicile, Maxcom Bunkers SA, a été la principale destinataire de 82 000 tonnes de gasoil de contrebande. Ces produits ont été achetés pour 27 millions d’euros, alors que de tels volumes valaient 51 millions d’euros sur le marché officiel. Selon nos calculs, ce produit était donc proposé au prix de 28 centimes d’euro le litre, au lieu de 53 centimes sur le marché officiel.
En Libye, ce type de gasoil 0,1 % – soit une teneur en soufre allant jusqu’à 1000 ppm – peut être utilisé pour alimenter les voitures. Mais en Europe, les normes le destinent uniquement à un usage maritime. Selon les enquêteurs italiens, ce carburant, mélangé à d’autres molécules, a été écoulé à la pompe dans des stations-service en Italie, en France et en Espagne, alors qu’il était impropre à la consommation automobile.
L’enquête « Dirty Oil » s’est concentrée sur les liens avec l’Italie, et a couvert une période assez courte allant de juin 2015 à juin 2016. Un volet de l’histoire est ainsi resté dans l’ombre : les aventures de Kolmar à Malte, et les affaires réalisées par cette société zougoise avec le réseau Ben Khalifa dès le printemps 2014.
Les paiements suspects de Kolmar
Le nom de Kolmar ne figure pas dans l’acte d’accusation transmis au tribunal de Catane, un document de 284 pages dont nous avons eu copie. Les enquêteurs italiens ont pourtant découvert des éléments troublants. Le colonel Francesco Ruis, responsable de la Guardia di Finanza, confirme s’être un temps intéressé à la société zougoise, qui disposait d’un bureau à Milan. « À travers son activité de bunkering [approvisionnement des navires en carburants – ndlr] à Malte, Kolmar était un partenaire proche de Gordon et Darren Debono », confie-t-il, refusant toutefois d’en dire plus. Un autre proche du dossier explique que les liens avec l’Italie ont finalement été jugés trop ténus pour qu’une procédure soit ouverte. « À l’époque, nous n’avons pas pu démontrer que les produits libyens achetés par Kolmar ont été écoulés en Italie » ajoute-t-il.
Au printemps 2018, le nom de Kolmar a toutefois été mentionné dans les médias en lien avec ce trafic. Trois journalistes de l’Investigative reporting project Italy (IRPI) publient une enquête sur la contrebande de carburants libyens via Malte, détaillant l’opération « Dirty Oil », qui s’est accélérée au lendemain de la mort de Daphné Caruana Galizia. Il s’agit alors de rendre hommage à cette journaliste maltaise, assassinée le 16 octobre 2017 dans l’explosion de sa voiture piégée, en creusant certains dossiers brûlants qui étaient sur son radar.
C’est ainsi qu’au détour d’un paragraphe et sans plus de précisions, on apprend que Kolmar louait un entrepôt pétrolier à Malte, dans lequel « au moins un des tankers du groupe Debono a déversé sa cargaison de carburant de contrebande ». Les journalistes font état de « paiements substantiels » effectués par Kolmar vers « une des compagnies de Darren Debono » et qui, écrivent-ils, ont été analysés par la police italienne. Sollicitée, la société zougoise n’avait alors pas réagi.
En suivant la piste « Kolmar »
Nous sommes parvenus à exhumer les « paiements substantiels » mentionnés par les journalistes italiens. Une source maltaise bien informée nous a en effet transmis la copie du relevé bancaire d’Oceano Blu Trading Ltd, l’une des sociétés liées à Darren Debono, qui avait ses comptes à la Banif Bank Malta. On y découvre qu’entre le 18 juin et le 22 juillet 2015, Kolmar a effectué onze versements totalisant plus de 11 millions de dollars vers cette petite structure enregistrée à San Gwann, dans les faubourgs de la capitale maltaise. Le motif de ces transferts et l’identité de la banque d’où ils proviennent ne sont pas indiqués.
Oceano Blu Trading Ltd était dirigée par Darren Debono jusqu’en mai 2014. Elle a ensuite été administrée par Nicola Orazio Romeo, un ressortissant italien soupçonné de liens avec la mafia sicilienne et également prévenu dans le cadre de la procédure italienne. Si les deux hommes formaient un tandem, c’est bien l’ancien footballeur maltais qui s’occupait des affaires libyennes, comme nous l’a précisé une source judiciaire italienne. Durant leur enquête, les policiers ont identifié Oceano Blu Trading Ltd comme l’une des principales sociétés utilisées par le réseau Fahmi Ben Khalifa. Ce qui renforce l’hypothèse que les 11 millions de dollars versés par Kolmar correspondent à l’achat de cargaisons de carburant libyen auprès de ce réseau.
Kolmar et ses citernes maltaises
Malte a toujours été un lieu stratégique pour les compagnies qui font commerce de produits pétroliers en Méditerranée. La petite île se situe au carrefour de plusieurs routes maritimes, et ses entrepôts pétroliers sont très convoités. Kolmar s’y est installée en 2012.
La firme zougoise proposait des services de bunkering, soit l’approvisionnement en gasoil maritime des navires-citernes, sortes de stations-service flottantes faisant la navette entre le port et le large pour permettre aux navires de passage de faire le plein. Dans les cuves des entrepôts qu’elle louait, elle faisait aussi du blending, une pratique consistant à mélanger des carburants afin d’en modifier la qualité, mais qui peut aussi permettre aux moins scrupuleux de cacher l’origine des produits.
Plusieurs sources maltaises qui travaillent dans ce secteur ont assisté à l’ascension de Kolmar sur l’île. Ces personnes n’ont accepté de témoigner que sous couvert d’anonymat, tant le dossier est sensible. « Kolmar alimentait en carburant les navires, mais cette activité n’était pas assez rentable en raison du nombre élevé de concurrents. Du coup, leurs entrepôts à Malte sont aussi devenus le lieu pour stocker et mélanger les produits pétroliers libyens de contrebande », affirme l’une d’elles. Le but de ces mélanges : « dissimuler la provenance des produits venant de Libye », selon cette même source.
« La contrebande de carburants en provenance de Libye via Malte s’est intensifiée entre fin 2013 et début 2014, puis a culminé en 2016 » explique un autre observateur. « Il y a eu deux phases : d’abord les produits pétroliers étaient déversés dans les entrepôts à Malte, puis le trafic s’est déplacé au large de Malte, à la limite des eaux territoriales maltaises, dans une zone nommée le banc de Hurd (Hurd’s Bank) [une zone peu profonde où les navires de passage peuvent rester à l’ancre pour se ravitailler ou échanger des marchandises – ndlr], avec des transferts de bateau-à-bateau », ajoute-t-il. C’est durant la première phase, à partir du printemps 2014, que Kolmar s’est illustrée.
Nous nous sommes rendus à Malte, où la société zougoise a pu opérer en toute tranquillité pendant plus d’un an, alors que le réseau Ben Khalifa n’était pas encore dans le viseur des enquêteurs italiens ou de l’ONU.
Follow the ships
L’endroit ne paie pas de mine. Une petite embarcation à moteur vient de nous déposer sur un quai plutôt délabré, où quelques pêcheurs ont jeté leur ligne à l’eau. D’habitude, les touristes empruntent un water taxi pour se balader le long du port de Grand Harbour, le havre naturel qui borde la péninsule de Xiberra, où est située La Valette, la capitale de Malte – et se délecter du paysage enchanteur. Nous avons demandé à bifurquer vers les installations portuaires et industrielles où se dressent des grues, et où de vieux navires rouillés sont à quai. Nous voulons localiser l’entrepôt de Ras Hanzir, et surtout comprendre à partir de quel endroit celui-ci est alimenté.
Nous y sommes. Sous le regard intrigué des pêcheurs, nous prenons plusieurs clichés d’une avancée sur pilotis permettant aux navires de s’amarrer pour décharger leur cargaison dans les cuves de Ras Hanzir, ou pour s’y approvisionner. Ce type d’installation porte le doux nom de duc-d’Albe ou dolphin en anglais.
D’octobre 2012 à décembre 2015, Kolmar était le maître incontesté des lieux. Après avoir remporté plusieurs appels d’offres, la compagnie zougoise louait les huit citernes de gasoil que compte Ras Hanzir, comme l’a officiellement confirmé Enemed Co Ltd, la société pétrolière étatique maltaise qui en est propriétaire. De juillet à décembre 2015, Kolmar occupait aussi la totalité des cinq citernes de gasoil de l’entrepôt souterrain de Has Saptan, situé près de l’aéroport. Pour obtenir ces informations, nous avons fait appel à un journaliste maltais, Matthew Vella du quotidien Malta Today, qui a actionné la loi sur la transparence, le Freedom of Information Act (FOIA) de Malte.
À côté d’activités qui semblent parfaitement légales, nous avons pu documenter un étrange ballet de tankers qui, partis de Libye près de Zawiya, où opérait le réseau Ben Khalifa, ont déchargé leur cargaison de gasoil à vingt-deux reprises à deux ducs-d’Albe, d’où étaient alimentées les citernes de Kolmar.
Sur la piste des navires
Lors de son intervention à Genève, en avril 2018, Mustafa Sanalla, le directeur de la NOC de Tripoli, avait insisté sur le fait qu’il existe des moyens techniques efficaces pour recueillir des données sur les navires utilisés par les contrebandiers, comme « le système de navigation AIS, l'imagerie par satellites, les registres automatisés de navires et le radars maritimes », suggérait-il alors, encourageant la communauté internationale à s’en servir.
C’est ce que nous avons fait, en agrégeant les données fournies par l’AIS (Automatic Indentification System). Ce système d’échange automatisé de messages entre navires par radio à très haute fréquence permet de connaître l'identité, le statut, la position et la route des navires se situant dans la zone de navigation. Fréquemment utilisé par les agences de sécurité aux États-Unis et en Europe pour traquer les contrebandiers, il est considéré comme un outil fiable.
L’ONG états-unienne C4ADS, spécialisée dans l’analyse de données complexes, nous a aidé à retracer les allers et venues entre Malte et la Libye de trois tankers : l’Amazigh F, le Ruta et le Selay, les navires affrétés par Darren et Gordon Debono. Leurs déplacements depuis les côtes libyennes, entre juin 2015 et juin 2016, avaient déjà été épinglés par l’ONU, puis analysés par les enquêteurs de la Guardia di Finanza.
Nous nous sommes intéressés à une période antérieure : du printemps 2014 à décembre 2015 (date à laquelle Kolmar semble avoir cessé ses activités à Malte). Le résultat est édifiant. Du 27 mai 2014 au 18 juillet 2015, nous avons pu établir que le Ruta, l’Amazigh F et le Selay ont à 22 reprises déchargé leur cargaison aux ducs-d’Albe de Ras Hanzir (19 escales) et de Has Saptan (3 escales), alors que Kolmar était locataire de ces entrepôts de stockage. La société maltaise Enemed a confirmé qu’un total de 50 911 tonnes de gasoil avait ainsi été déchargé dans les cuves de Kolmar. Dans la plupart des cas, les tankers revenaient des côtes libyennes où, détail intéressant, ils avaient pris soin d’éteindre leur système AIS pendant plusieurs heures ou plusieurs jours. Une pratique permettant aux contrebandiers de disparaître provisoirement des écrans.
Nous avons croisé ces livraisons avec les versements faits par Kolmar en faveur d’Oceano Blu Trading Ltd. La concomitance des dates est frappante. Entre le 15 juin et le 17 juillet 2015, l’Amazigh F et le Selay se sont amarrés à neuf reprises aux ducs-d’Albe de Ras Hanzir et de Has Saptan. Quasiment aux mêmes dates, soit entre le 18 juin et le 22 juillet 2015, la compagnie zougoise a transféré plus de 11 millions de dollars vers la société de Darren Debono.
Des papiers en règle ?
Nous avons découvert qu’afin d’importer du gasoil en provenance de Libye, le négociant suisse fournissait aux douanes maltaises une documentation en apparence complète, dont des certificats d’origine de la Tiuboda Oil Refining Company, l’une des sociétés de Fahmi Ben Khalifa, décrit dans le rapport des experts des Nations unies comme l’un des principaux contrebandiers à Zawiya. Les enquêteurs de « Dirty Oil » étaient tombés sur ces mêmes certificats d’origine. Ils ont pu établir qu’il s’agissait de faux documents bricolés sur le scanner d’une société maltaise, la World Water Fisheries, contrôlée par Darren Debono. Mais à l’époque où Kolmar était présente à Malte, les autorités maltaises les acceptaient sans tiquer.
« En dépit de sa provenance illicite de Libye, les douanes et la chambre de commerce libyo-maltaise donnaient leur feu vert pour la réexportation du gasoil, soit par incompétence, soit parce qu’elles étaient impliquées dans l’escroquerie », estime un fin connaisseur de ces pratiques à Malte.
« Nationaliser » le gasoil
Le produit était en partie écoulé sur le marché local du bunkering, Kolmar alimentant des bateaux qui venaient faire le plein dans ses cuves, comme le système AIS nous a permis de le reconstituer. Le carburant de contrebande était aussi écoulé en Europe.
« Notre hypothèse, c’est que comme Maxcom Bunker SA [la société sicilienne poursuivie par la justice italienne dans le cadre de l’opération Dirty Oil ndlr], Kolmar a fait "nationaliser" le gasoil à Malte pour le revendre ensuite en Europe sans traçabilité possible », explique une source judiciaire italienne. « Quand le carburant arrive dans un port européen, la société importatrice s’acquitte des droits de douane et des taxes à la consommation. Elle est ensuite libre de le mélanger à des produits européens. Elle peut alors le vendre en Europe comme un produit communautaire avec un certificat EUR1. La provenance libyenne n’apparaît plus », précise-t-il.
À qui ces produits ont-ils ensuite été revendus par Kolmar ? Notre enquête ne nous a pas permis de remonter toute la chaîne. La société zougoise a quitté l’île au début de 2016. Quelques mois plus tard, les douanes maltaises ont enfin décidé d’interdire l’importation de gasoil libyen à Malte, « obligeant Darren Debono à transférer son business en Sicile, où il a fini par se faire attraper par les autorités italiennes », selon une source.
Kolmar ou l’art de naviguer en eaux troubles
La société Kolmar avait-elle conscience de recevoir du carburant d’un réseau de contrebandiers ?
Au moment des versements faits par Kolmar à Oceano Blu Trading Ltd, soit entre juin et juillet 2015, ni les experts de l’ONU ni la justice italienne n’avaient encore Fahmi Ben Khalifa et ses partenaires maltais dans leur viseur. La société zougoise pouvait-elle pour autant ignorer qu’elle faisait affaire avec un réseau de contrebandiers ? Plusieurs éléments nous incitent à répondre par la négative, à commencer par la situation en Libye à l’époque.
À l’été 2014, la guerre civile a éclaté entre l’ouest et l’est de la Libye. Depuis quelques mois, les infrastructures pétrolières (terminaux, oléoducs et puits) sont régulièrement prises en otage par des groupes armés. La production de brut s’écroule à 230 000 barils par jour. Le pays est contraint d’importer de plus en plus de produits pétroliers raffinés et de réduire drastiquement ses exportations, qui relèvent de la seule autorité de la NOC de Tripoli. La dizaine de témoignages recueillis dans les milieux du trading pétrolier confirment tous que commercer avec la Libye était alors, et reste encore aujourd’hui, une activité à très hauts risques.
« Depuis la chute de Kadhafi, acheter du gasoil libyen est devenu une véritable prise de tête. Le risque est trop important, et pas seulement au niveau de la contrebande. Si vous envoyez un tanker en Libye, vous n’avez aucune garantie qu’il puisse charger la marchandise à la date fixée, en raison notamment des combats. Immobiliser un navire coûte très cher. C’est pourquoi les petites et moyennes sociétés ne peuvent pas se permettre de travailler en Libye. Seules les très grosses maisons de négoce peuvent s’y risquer », confie un trader genevois. « Les gros traders récupéraient les quotas officiels de la NOC en produits pétroliers, alors que le reste provenait d’activités de contrebande », ajoute-t-il.
Malte : une destination douteuse
La profession a pour habitude de se tenir au courant des moindres rumeurs. Dès l’été 2013, elle sait que Malte est devenue l’une des principales bases-arrières pour la contrebande de carburants en provenance de Libye.
En juillet 2013, le quotidien Malta Today a révélé qu’un navire – le MV Santa Maria, sans lien avec le réseau Ben Khalifa – a été perquisitionné dans le cadre d’une enquête maltaise, ce qui a conduit à des arrestations. Gordon Debono est alors cité comme le propriétaire d’un autre tanker également impliqué. Cette procédure, sur laquelle très peu d’informations ont filtré, finit par s’enliser.
Un an plus tard, le 18 juin 2014, le premier ministre libyen de l’époque, Abdullah al-Thinni, rencontre l’ambassadeur maltais à Tripoli pour se plaindre du fait que de larges quantités de carburants de contrebande arrivent sur l’île. « Ce phénomène est une menace pour la Libye et met en danger sa sécurité nationale », ajoute-t-il, demandant à son interlocuteur d’agir au plus vite. L’information est reprise par plusieurs médias, dont l’agence Reuters. Un mois auparavant, Kolmar a commencé à recevoir des cargaisons de gasoil du réseau Ben Khalifa.
« Un red flag absolu »
D’autres éléments auraient dû dissuader la société zougoise. Lors de l’opération « Dirty Oil », la Guardia di Finanza a découvert que le réseau Ben Khalifa écoulait les produits à des prix significativement inférieurs à ceux pratiqués sur le marché, ce qui constitue l’une des premières alarmes dans ce secteur. « Dans notre profession, tout rabais important doit automatiquement alerter. Un prix bas signifie toujours un risque élevé », explique un ancien employé d’une société de négoce.
« La Libye était à feu et à sang. C’était l’époque où les raffineries libyennes ne tournaient presque plus ou étaient endommagées. Le pays était importateur de produits pétroliers, pas le contraire, donc acheter du gasoil en provenance de Libye aurait dû être un red flag (voyant rouge) absolu », estime un banquier spécialiste du négoce. « J’ai beaucoup de mal à imaginer qu’une banque puisse financer ce genre de transaction, surtout lorsqu’il s’agit de gasoil venant de Libye », ajoute l’ex-employée d’une société de négoce, qui a travaillé sur le marché des produits pétroliers en Méditerranée.
Quid de la banque qui a validé les versements de plus de 11 millions de dollars de Kolmar à Oceano Blu Trading Ltd ? Si les documents en notre possession ne nous permettent pas d’identifier cet établissement, deux sources nous ont indiqué que la société zougoise avait alors – et aurait toujours – ses comptes au Crédit Agricole Indosuez de Genève, où elle aurait bénéficié ces dernières années d’une ligne de crédit de 100 millions de francs.
Contacté, Crédit Agricole Indosuez (Switzerland) SA n’a pas souhaité confirmer ou infirmer ses relations avec Kolmar en raison du secret professionnel. La banque indique que tous ses financements « sont réalisés dans le strict respect des lois et réglementations des pays dans lesquels elle exerce ». Elle explique s’appuyer sur « un dispositif solide, lui permettant notamment de remplir toutes ses obligations relatives à la lutte contre le financement d'activités illicites ».
La BNF Bank plc (anciennement Banif Bank (Malta)), qui abritait les comptes de Oceano Blu Trading Ltd, nous a répondu qu’en « raison de ses obligations de confidentialité », elle n’était « pas en mesure de répondre ».
Silence radio
Sollicitée à plusieurs reprises, Kolmar n’a quant à elle pas répondu à nos questions. Darren et Gordon Debono ainsi que Fahmi Ben Khalifa, tous trois contactés par le biais de leur avocat, n’ont également pas donné suite à nos demandes.
De leur côté, les douanes maltaises ont refusé de commenter une procédure en cours, soulignant toutefois qu’en cas de suspicion d’activités illicites ou de faux documents, le cas est toujours transmis à la police ou aux autorités compétentes.
Nos conclusions
Le trafic de ressources naturelles alimente des guerres à travers le monde, et la Libye ne fait pas exception. Des sociétés impliquées dans l’extraction minière, le transport maritime et le négoce de matières premières contribuent à créer un marché lucratif pour les ressources provenant de zones de conflit. Mais participer à cette chaîne d’approvisionnement peut constituer un crime de guerre.
Si une entreprise achète des matières premières volées à un pays en guerre en connaissance de cause, elle peut être reconnue coupable de pillage (ou de complicité de pillage), un crime de guerre selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (art. 8 (2)(e)(v)) et le droit pénal suisse (art. 264g (c) du code pénal suisse).
Kolmar : complice du pillage ?
L’enquête de Public Eye et TRIAL International montre que la compagnie pétrolière nationale, la NOC (légitime) n’a pas autorisé l’exportation de gasoil en provenance de la raffinerie de Zawiya, encore moins par le réseau Ben Khalifa. C’est la Shuhada al Nasr Brigade, un groupe armé accusé par les Nations unies d’exploitation et de trafic de migrant∙e∙s, qui a permis ce trafic de gasoil à des fins de profit financier. Les enquêteurs italiens ont mis en lumière le réseau de sociétés établi par Ben Khalifa et ses associés pour exporter illégalement du carburant libyen vers l’Europe, en passant par Malte et l’Italie. Les relevés bancaires dont nous avons eu copie prouvent par ailleurs que Kolmar a versé plus de 11 millions de dollars en à peine plus d’un mois à l’une des principales sociétés utilisées par le réseau de contrebandiers, Oceano Blu Trading Ltd, très certainement en échange de livraisons de gasoil dans les entrepôts loués par Kolmar à Malte, que nous avons pu retracer dans le cadre notre enquête.
Ces différents éléments montrent ainsi que le gasoil (1) a été volé à un pays en guerre et (2) a été reçu par Kolmar en dépit des nombreux signaux d’alerte. Au vu de ces faits, il est possible que la société zougoise ait été complice du crime de guerre international de pillage.
Des règles contraignantes pour les négociants
Au-delà de la question de la responsabilité pénale de Kolmar, cette affaire illustre de manière frappante la propension de certains négociants suisses à tirer profit des contextes les plus explosifs. Alors que la guerre civile faisait rage en Libye et que les groupes armés se disputaient le contrôle du secteur pétrolier, la société zougoise a choisi de faire affaire avec une minuscule et obscure structure maltaise, sans expérience dans le business pétrolier, quand bien même la contrebande de gasoil libyen était connue dans le milieu, tout comme le rôle joué par Malte dans ce trafic. Le cas Kolmar illustre ainsi les deals qui peuvent se conclure entre des sociétés de négoce qui ont pignon sur rue et des réseaux de contrebande.
De leur côté, les banques impliquées n’ont apparemment pas fait preuve d’une diligence suffisante. Cette affaire montre ainsi une fois encore à quel point il est illusoire et irresponsable de se reposer sur la « surveillance indirecte » que les établissements bancaires exerceraient sur les négociants, comme le fait le Conseil fédéral. D’autant plus que, dans le secteur du négoce, des matières premières illégales peuvent être « blanchies ». Il est donc impératif de soumettre les négociants à des devoirs de diligence contraignants, notamment en ce qui concerne leurs partenaires d’affaires. En proposant la création d’une autorité de surveillance spécifique au secteur des matières premières, la Rohma, Public Eye a montré comment une telle autorité pourrait édicter des règles claires et sanctionner les sociétés qui ne les respectent pas.
Une opportunité unique d’agir
Le devoir de diligence raisonnable en matière de droits humains, tel que prévu par l'Initiative pour des multinationales responsables (et, de manière plus restreinte, par le contre-projet proposé par le Conseil national), est par ailleurs essentiel pour mettre un terme à de telles pratiques. Les entreprises seraient en effet tenues d’évaluer les risques que présentent leurs activités à l’étranger et de prendre des mesures pour y remédier.
Dans son « Guide sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflits ou à haut risque », l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a détaillé une telle procédure. Dans leur première version de 2010, ces lignes directrices se concentraient uniquement sur certains minerais de conflit. Cinq ans plus tard, le Comité de l’investissement de l’OCDE a décidé de les étendre à tous les minerais ainsi qu’au pétrole.
Si de telles dispositions non contraignantes étaient transposées dans le droit national suisse, les dirigeants ne pourraient plus fermer les yeux, mais seraient tenus d’empêcher que leurs affaires ne contribuent à de graves violations des droits humains, telles que celles commises dans le contexte de la guerre civile en Libye.
Enquête : Agathe Duparc (Public Eye), Montse Ferrer (TRIAL International), Antoine Harari (journaliste indépendant, mandaté par Public Eye) | Collaborations : Subhan Abbas, C4ADS, Besnik Ibrahimi | Édition : Géraldine Viret, Public Eye | Illustrations et vidéo : opak.cc | Photos : Francesco Bellina, TRIAL International / Montse Ferrer | Online : Floriane Fischer, Public Eye